Rimbaud | Ma Bohème



1. Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
2. Mon paletot aussi devenait idéal ;
1. J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
2. Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

1. Mon unique culotte avait un large trou.
Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse ;
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.


2. Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;


1. Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
2. Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés,
1. un pied près de mon cœur !

(1870)

Commentaires

Dvorah a dit…
"...Je ne vois pas comment mon poème de Verlaine aurait pu l'amener le mois suivant à nous faire apprendre Ma Bohème. Ce fut une révélation. Jamais classe ne versa immédiatement, unanime et déchaînée, dans une véritable passion pour Rimbaud. "Putain ! d'où i sort, çuila ?" entendait-on dans les couloirs. Ou : "Ti a vu, dis, i parle comme nous, comme nous et c'est beau ! Comment i fait ? Ti t'rappelles qu'i dit "mon paletot" et "culotte" et "souliers". Oualla j'croyais qu'c'étaient des mots vulgaires." Ou encore : "Rien qu'elle nous donne ce type à apprendre, on va tous le savoir par cœur." Ce qui advint avec le Dormeur du Val, Sensation et le Bateau Ivre dont la lecture nous occupa plusieurs semaines de suite et dons nous répétions comme une litanie : " Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !"
Aldo Naouri , Des Bouts d'existence, ed. Odile Jacob, ch. Au collège 1950-1953
Merci. Je suis heureux que, grâce à, toi, le nom d’Aldo Naouri figure ici. J’avais rencontré, un soir, sur YouTube, une vidéo de ce monsieur, qui m’avait beaucoup impressionné, mais depuis le nom m’échappait, je ne retrouvais plus sa trace, maintenant il ne m’échappera plus. Le contenu du témoignage recoupe mon expérience et me donne l’occasion de noter quelque chose que je relève quelquefois devant les élèves mais que n’ai jamais écrit. Le pied figure dans le dernier vers de Ma Bohème, après que soient évoquées les Muses, et il est précisé que ce pied vient près du cœur. Le sublime de l’art classique convoqué en même temps que le pied. Une sorte de réconciliation. D’écrasement des registres. (Parlait-on, en 1870, de « prendre son pied » ? Ce serait à vérifier)

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