Desbordes-Valmore | Les Roses de Saadi
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses, envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
Dans Poésies inédites (1869)
Ce poème est donc posthume. Pour autant, la critique estime qu’il a pu être écrit vers 1848
Lu par Isabelle Pozzi (France)
Commentaires
Il fonctionne très bien et invite particulièrement les élèves à participer.
"Un certain sage avait enfoncé sa tête dans le collet de la contemplation et était submergé dans la mer de l intuition. Alors qu'il revint de cette extase, un de ses camarades lui dit par manière de plaisanterie: De ce jardin où tu étais quel don de générosité nous as-tu apporté? Il répondit: J'avais dans l'esprit que lorsque j'arriverais au rosier, j'emplirais (de roses) un pan de ma robe pour en faire un cadeau à mes camarades. Lorsque je fus arrivé, l'odeur des roses m'enivra tellement que le pan de ma robe m échappa de la main ."
(dans la traduction de Semelet, 1834, vraisemblablement celle utilisée par MDV)
À propos de la robe parfumée de roses. Elle m’a fait penser à une phrase de Sei Shonagon (966-1025) dans le chapitre Choses qui font battre le cœur de son livre Notes de Chevet :
« …
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée d’encens.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Un bel homme, arrêtant sa voiture, dit quelques mots pour annoncer sa visite.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum.
… »
Elle m’a fait penser aussi au poème anonyme dans Recueil de Poèmes Anciens et Modernes (905)
« En mai quand je sens des fleurs de mandarinier Tachibana
Je me rappelle les manches de la robe de ma bien aimée/mon bien-aimé »
Dans la littérature japonaise ancienne, le parfum joue un rôle très important. Le jeu de parfums Kōdō mentionné dans le Dit du Genji (1010) est encore pratiqué aujourd’hui.
De la mélancolie, les roses s'en sont allées.
Il y en avait tant, souvenir des jours heureux et fastes.
Souvenir d'une belle jeunesse et des amours enfuis.
Souvenir de beaux étés. Restent les odeurs, restent les désirs fugaces.